Joyeux Démons

Année : 2022
Catégorie : Seinen
Genres : Fantastique / Histoires courtes
Thèmes : Démons / Yokai
Auteur : Sakumo Okada
Éditeur : Atelier Akatombo
Nb volumes VO : 1 (Terminé)
Nb volumes VF : 1 (Terminé)

Pour commencer je tiens bien évidemment à remercier l’éditeur pour l’envoi. J’avais très envie de le découvrir notamment car j’apprécie beaucoup les histoires autour des yokais.
Mais qu’elle ne fut pas ma surprise d’y découvrir un ouvrage qui est tellement plus que cela, on y retrouve des sujets de société, de la psychologie, bref tout ce que j’aime et j’ai donc eu un véritable coup de cœur pour ce manga que je qualifierais de pépite.
Il faut dire que si l’éditeur propose peu de mangas, ces derniers sont toujours d’une grande qualité et je vous avoue que je n’ai jamais rencontré de déception en les découvrant. Après c’est vrai qu’ils ne s’adresseront peut-être pas à tout le monde, mais c’est un important je pense de toujours chercher à s’ouvrir vers la richesse culturelle qu’il peut nous offrir.
Son auteur n’est pas un illustre inconnu par chez nous, car vous le connaissez peut-être au travers de « Mazarian », terminé en trois tomes chez l’éditeur naBan.

Présentation de l’éditeur :


«La belette-faucille, le chat fantôme, le renard à neuf queues, l’enfant-lanterne, le génie de l’eau, la géante des montagnes, l’homme-poisson… Sakumo Okada convoque les démons qui peuplent habituellement les contes traditionnels japonais pour incarner des héros impliqués dans des situations bien proches de notre réalité.

Derrière l’humour acerbe, on découvre un artiste très engagé qui s’empare notamment d’un sujet douloureux et que n’abordaient jusque-là que les historiens : le massacre de Coréens par la populace instrumentalisée par la police politique lors du grand tremblement de terre du Kantō en 1923.

Au fil des sept histoires composant Joyeux démons, les yōkai revisités par Okada usent à la fois de leurs super pouvoirs et de leur côté obscur pour se confronter à la discrimination, à l’abus de pouvoir, aux violences sexuelles ou survivre à l’anxiété sociale et revendiquer leur identité.»
(Source : https://atelier-akatombo.com/joyeux-demons)

A l’aide de la postface que l’on retrouve à la fin de l’ouvrage où l’auteur revient sur chacune d’elles, je vous donne mes propres avis et analyses, j’espère que vous apprécierez.

→ La Belette-faucille de Tokyo

Même chez les belettes il y a des problèmes de couple. Difficile pour cette jeune belette aux pouvoirs étonnants d’accepter d’avoir des petits avec son chéri dont les attentes sont bien trop lourdes. Mais comme chez les humains, plutôt que de se crêper le chignon en public, le dialogue au sein du couple reste la meilleure des solutions.

À la fin de l’ouvrage, auteur se confiera sur le fait que certains y voient une façon de traiter naïvement de la discrimination, ce qui laisse l’auteur perplexe. Personnellement j’y vois tout de même un peu plus. Au-delà du pb de couple et la manière dont celui-ci est traité, d’abord par la violence pour ensuite en venir au dialogue, nous avons aussi tout un questionnement je trouve autour de la parentalité. En effet, le mâle qui est un mâle lambda projette ses désirs sur sa futur progéniture, et l’on sait qu’un enfant doit être fait pour lui et non pour soi. Chose que la bellette-faucille a très bien compris. Et pour se préserver, mais aussi ne pas mettre au monde des enfants qui risquent de subir une pression bien trop grande, elle opte pour la solution qui lui semble la meilleure.

→ L’endurance du jeune Satori

Satori est un jeune homme qui en plus de paraître assez différent des autres, possède la particularité d’entendre la voix du cœur des gens lorsqu’il les regarde dans les yeux. Ce qui n’est bien évidemment pas facile pour un lycéen, et l’empêche d’échanger avec ses camarades.
Un jeune professeur va vouloir lui venir en aide, mais ses conseils pourtant tout a fait dans l’idée de nos sociétés et de la façon dont nous cherchons à fonctionner, qui sont même quelque part imposé durant dans notre scolarité, paraissent des plus discutables et nous font bien comprendre que l’enseignement apparaît alors uniquement comme du conditionnement.
L’idée étant de placer la raison avant le cœur, peu importe nos réelles pensées, le professeur invite le jeune homme à se forcer à communiquer avec les autres de manière impassible pour fonctionner avec les autres en société.
Mais bien évidemment, le jeune homme va découvrir que sous l’apparente bienveillance de son professeur, les pensées de ce dernier sont vraiment horribles.

Nous sommes ici dans le vivre ensemble, mais l’auteur semble prendre également une position très intéressante et engagée vis-à-vis de l’éducation et des dérives que celle-ci peut représenter. Au final quelle part de liberté laisse t-on à l’enfant ? Le but n’est-il que de former de parfait petits soldats de la société, tous dans un même moule, qui répondront parfaitement aux exigences des puissants…
L’hypocrisie devenant au final une norme, où les individus se cachent derrière un masque souriant et engageant. Personnellement je vous avoue que je trouve cela vraiment effrayant et pourtant j’ai parfaitement conscience que c’est une réalité.

→ Le sang de la rivière

Une jeune créature marine au milieu de Kappas est rejeté par ces derniers pour être différent d’eux. Ces derniers n’acceptent pas les autres créatures, il va finir par s’enfuir et découvrir toute l’étendue et la grandeur du monde, une richesse bien plus vaste que le pays des Kappas.

Ici le sujet sera bien évidemment la façon dont vont être perçues t traités les étrangers ou les personnes d’origine étrangères.

→ Le chat manquant

Sans doute pour moi l’histoire que j’ai préférée, mais visiblement aussi celle qui a posé le plus de problèmes à l’auteur qui voulait de base traiter de la discrimination au faciès et qui s’est retrouvé à traiter du sujet de l’automutilation.
Mais je vous avoue que pour ma part j’y ai vu encore bien que cela.
Déjà on pourrait penser au chat de Schrödinger, notamment avec la boîte dont il est question, le chat et la remarque « Le sentiment de ne pas savoir si je suis vivante ou morte ».
Mais c’est aussi pour moi une représentation de tout ce que la psychologie ou même la psychiatrie, peut apporter à une personne en souffrance.
Je vous avoue que je m’y suis même entièrement retrouvée et les sentiments décrits le sont avec énormément de justesse.
Les autres qui veulent faire en sorte d’aider celui qui vit reclu mais qui ne peuvent comprendre le pb que ce dernier a lui même du mal à exprimer. Cette mise à l’écart, l’isolement qui s’en suit, car l’humain ne peut pas tout régler et même ceux armées des meilleures intentions ne peuvent rien faire si celui qui souffre ne veut pas sortir de l’isolement.
Un isolement pouvant même conduire jusqu’à l’automutilation et toutes les raisons à cela que ça implique.
La solution étant d’aller se confier, de trouver en sois la force et d’apprendre petit à petit à reprendre sa vie en main, affronter ce qui nous fait peur…

Très sincèrement je pense que ce manga pourrait être un « outil » très intéressant pour les psychologues ou soignants, notamment auprès des jeunes. Car il fait écho à des problématique très concrètes au travers de ces histoires le mangaka utilise l’allégorie à la perfection.

→ La descente des montagnes

Ici nous sommes face à un sujet très actuel mais qui existe malgré tout depuis longtemps. La prise de parole des femmes, l’accession des femmes au pouvoir, les viols et les agressions dont elles sont victimes. Sans surprise, c’est bien le mouvement « Metoo », ainsi que l’affaire Weinstein qui ont inspiré ici l’auteur.

Seule la femme peut difficilement faire quelque chose, mais ensemble elles peuvent lutter. Cette histoire montre parfaitement ce qui se passe dans nos sociétés modernes, la parole qui se libère et les femmes qui ont des postes au pouvoir.
Tout cela est un combat et Masari l’héroïne de cette histoire cristallise les éléments que l’on retrouve actuellement dans les mouvements féministes.
Maintenant je trouve juste un peu dommage de lui avoir donné cette apparence très masculine, bodybuildé. Mais cela renforce sans doute le fait que la femme n’est pas une petite chose fragile. Et il s’agissait aussi de rester dans la thématique du manga.

→ La lumière chassée

Un terrible récit pour que l’on se souvienne du massacre des Coréens par les Japonais, instrumentalisée par la police politique lors du grand tremblement de terre du Kantô en 1923, avec de nombreux témoignages à vous glacer le sang.
Personnellement j’ai trouvé que c’était très difficile à lire mais en même temps nécessaire, d’autant que d’après les recherches de l’auteur il n’y a aucun manga qui traite du sujet.

→ Joyeux Démons

L’histoire qui a donc donné son nom au recueil et qui reprend tous les personnages, les plaçant dans un hôpital psychiatrique comme autant d’amis imaginaire d’un patient qui essaye de s’en sortir et qui trace sa route.
Une histoire gardée bien au chaud par son auteur qui ne se voyait pas spécialement comme un spécialiste des yokai et qui a donc trouvé une bonne occasion pour la ressortir.

N’hésitez pas à me donner votre ressenti.

Je vous invite à suivre Atelier Akatombo sur les réseaux.

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N’hésitez pas à me dire ce que vous en pensez, si vous avez des questions à me poser je suis à votre disposition.

CatZ

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